Pour réussir une CIVE les agriculteurs doivent semer des espèces productives et adaptées au contexte de leur exploitation. Il s’agira de faire des compromis entre les différentes caractéristiques recherchées : précocité à floraison, potentiel de production biomasse, tolérance aux bioagresseurs, tolérance à la sécheresse, coût des semences...
Définir sa situation pour bien choisir ses CIVE : les 5 éléments à prendre en compte
Le pouvoir méthanogène n’étant pas significativement différent entre espèces d’après plusieurs études, c’est bien le rendement en biomasse qui sera le premier déterminant de la production de gaz, et donc du rendement en biométhane par hectare de CIVE.
Pour maximiser la production de biomasse des CIVE, il faut choisir des espèces adaptées à votre situation selon les éléments suivants :
1 - Caractéristiques de la parcelle : pédoclimat et état sanitaire :
- Offre climatique : cumuls de précipitations et sommes de températures très variables en France (5 pédoclimats définis par RECITAL)
- Type de sol et propriétés associées : texture, profondeur, réserve utile en eau, hydromorphie, drainage, pierrosité…
- Risques sanitaires identifiés : vols de pucerons à l’automne, piétin échaudage, rouilles…
2 - La rotation culturale
La CIVE doit gêner le moins possible la conduite des cultures principales. Il faut donc tenir compte des cycles des cultures précédentes et suivantes :
- Fréquence de retour des espèces et familles d’espèces dans la rotation : gestion des maladies et ravageurs (sclérotinia, piétin, ascochytose…).
- Gestion du désherbage au printemps précédent : la rémanence de certaines molécules utilisées au printemps sur la culture précédente, accentuée par de faibles précipitations, peut empêcher la levée des CIVE.
3 - Contraintes techniques du méthaniseur et du matériel disponible :
- Concentration de soufre dans le digesteur : le soufre inhibe la flore méthanogène et crée de la corrosion sur certaines pièces, nécessitant un traitement (charbon actif). Riches en soufre, les crucifères (colza, moutarde, choux…) sont à éviter dans les méthaniseurs.
- Organisation du chantier de récolte : selon le matériel disponible et les surfaces de CIVE, il peut être judicieux de choisir différents niveaux de précocité pour étaler les récoltes.
4 - Bénéfices agro-environnementaux recherchés :
- Limitation du lessivage des nitrates : graminées
- Restitution d’azote pour la culture suivante : légumineuses
- Structuration du sol : espèces avec un système racinaire développé
- Lutte contre les adventices : espèces qui couvrent rapidement le sol
- Lutte contre certaines maladies de la culture principale : si l’association des deux cultures est favorable
- Préservation des populations d’abeilles : plantes produisant du nectar.
5 - Utilisation en double débouché : valorisation fourragère par les animaux ou énergétique dans le méthaniseur
En situation de polyculture-élevage, il est intéressant de cultiver des CIVE pouvant aussi être utilisées pour l’alimentation animale.
Ce double débouché permet d’ajuster les surfaces selon les besoins du méthaniseur et des animaux, et des rendements. Pour cela il faudra privilégier des associations culturales avec légumineuses.
CIVE d’été et CIVE d’hiver : quelles sont les conditions requises pour les implanter et les réussir ?
Je veux semer des CIVE d’hiver : les critères de choix et espèces adaptées
Les 7 principaux critères à prendre en compte pour choisir les espèces en CIVE d’hiver par ordre de priorité :
- Précocité à floraison
- Potentiel de rendement MS
- Tolérance au gel
- Sensibilité aux bioagresseurs
- Sensibilité à la verse
- Etat du sol après récolte
- Coût des semences certifiées
1 - Précocité à floraison : le critère le plus important à prendre en compte
La floraison étant le stade optimal pour commencer à récolter les CIVE (rendements et taux de MS), il faut choisir des espèces capables d’atteindre ce stade le plus rapidement possible pour récolter le plus tôt possible et éviter de pénaliser la culture suivante.
2 - Potentiel de rendement MS
Le potentiel méthanogène des espèces n’est pas un critère de choix : c’est le potentiel de rendement biomasse qu’il faut regarder !
Aucune différence significative de potentiel méthanogène n’a pu être observée dans les études comparant les espèces utilisées en CIVE : il se situe en moyenne autour de 250 Nm3CH4/tMS. C’est bien le potentiel de production de biomasse qui va donc être déterminant pour produire le maximum de biogaz par hectare de CIVE.
3 - Tolérance au gel : ne pas la sous-estimer !
Dans les régions avec un risque de gel important (durée, intensité et période), il faut veiller à utiliser des espèces présentant une bonne tolérance au froid.
Niveaux maxima de résistances au froid et variabilité génétique chez différentes espèces. (©Arvalis-Institut du végétal)
Caractéristiques des principales espèces en CIVE d’hiver
Principales espèces semées en CIVE d’hiver d’après les résultats d’une enquête AAMF (2021)
Le seigle d’hiver est l’espèce la plus cultivée en CIVE d’hiver.
Trois types de variétés sont disponibles : lignées, hybrides et multicaules (ou forestiers).
1 - Les variétés lignées :
RUBIN ► plus petit, moins de risque de verse
VITALLO ► une des variétés les plus courantes, sensible à la verse
POWERGREEN, SPEEDOGREEN ► variétés précoces et productives
INSPECTOR ► variété polyvalente
BONFIRE ► très précoce, productif, sensible à la verse
PROTECTOR ► très précoce, sensible à la verse
2 - Les variétés hybrides : SU NASRI, PERFORMER, SU SANTINI, SU PHOENIX, PROPOWER, PROGAS
► Rendement légèrement supérieur mais cycle un peu plus tardif que les lignées ;
► Moins sensibles aux maladies et à la verse ;
► Semences plus coûteuses ;
► Risque de salissement de la parcelle plus élevé à cause d’une densité de semis plus faible.
D’autres céréales peuvent être semées, comme l’orge et le ray-grass.
Les légumineuses semées en association avec des céréales sont adaptées.
- Les vesces et la féverole sont les espèces les plus couramment utilisées car elles sont précoces au printemps. Les trèfles et le pois fourrager sont un peu plus tardifs. Les espèces de vesce sont nombreuses mais la velue et la commune sont les plus utilisées en CIVE.
- La féverole peut être très sensible au botrytis et à l’ascochytose et peut parfois “disparaître” avant la récolte. Il faut donc faire attention à son retour dans la rotation.
- Les légumineuses doivent rester minoritaires dans le mélange.
Les CIVE cultivées en associations peuvent être déclarées en tant que SIE à la PAC si elles sont semées avant la date butoir, définie localement. Elles présentent également des intérêts écologiques et agronomiques.
Je veux semer des CIVE d’été : les critères de choix et espèces adaptées
Les 6 principaux critères à prendre en compte pour choisir les espèces en CIVE d’été par ordre de priorité :
- Tolérance sécheresse (besoins en eau)
- Coût des semences certifiées
- Potentiel de rendement MS
- Précocité à floraison
- Sensibilité à la verse
- Sensibilité aux bioagresseurs
1 - Tolérance sécheresse (besoins en eau)
Choisir des variétés tolérantes à la sécheresse avec de faibles besoins en eau !
Le maïs a des besoins en eau très importants (environ 550 mm d’eau au total) et sera donc adapté aux régions avec d’importantes précipitations estivales, ou avec de l’irrigation.
Les besoins en eau totaux du sorgho sont de l’ordre de 400 à 500 mm, en faisant une des plantes cultivées les moins exigeantes en eau (Arvalis, 2017).
2 - Coût des semences certifiées
Attention au coût de semences : n’investissez pas trop si levée incertaine
L’achat des semences représente le coût d’intrants le plus élevé pour les CIVE d’été. En cas de conditions de semis très sèches et de levée incertaine, il est recommandé de ne pas trop investir sur ce poste et privilégier des espèces peu coûteuses (moha et nyger < 50€/ha) ou des semences de ferme.
3 - Potentiel de rendement MS
Choisir des espèces productives sur un cycle très court.
Le cycle d’une CIVE d’été est généralement inférieur à 4 mois : il faut donc privilégier des espèces à forte vigueur au démarrage et très productives (profils génétiques orientés “biomasse”).
4 - Précocité à floraison
Pour maximiser le rendement en biométhane produit par un hectare de CIVE, il faut atteindre le stade floraison pour récolter : rendement biomasse élevé et taux de MS supérieur à 28%.
Les sorghos fourragers multi-coupes sont généralement moins productifs que les monocoupe mais présentent l’avantage d’un cycle végétatif plus court permettant de récolter précocement en début d’automne.
Un choix restreint d’espèces en CIVE d’été
Le choix en espèces est bien plus restreint dans le cas des CIVE d’été. Le cycle doit être suffisamment court pour que la culture soit récoltée dans de bonnes conditions à l’automne.
Principales espèces semées en CIVE d’été d’après les résultats d’une enquête AAMF (2021)
Semer des associations d’espèces pour plus de sécurité
Associer plusieurs espèces, notamment des légumineuses, aura différents impacts agronomiques, environnementaux et économiques.
1 - Les multiples effets positifs des associations d’espèces en CIVE
- Capter de l’azote de l’air : réduction de la fertilisation recommandée
- Diversification des espèces : intérêts pour la gestion des bioagresseurs
- Augmentation du % d’azote dans la biomasse produite => augmente le % d’azote du digestat et donc sa valeur fertilisante (plus ou moins selon le % de CIVE dans le méthaniseur)
- Possible restitution d’azote pour la culture suivante
- Double débouché alimentation animale/méthanisation envisageable
- Déclaration possible en SIE à la PAC (selon date de semis)
2 - Points de vigilance des associations de cultures en CIVE
- Effet très variable sur le rendement et donc sur la rentabilité
- Les légumineuses diminuent le % de MS de la CIVE : avantage pour les récoltes tardives mais inconvénient pour les récoltes précoces
- La teneur en azote de l’ensilage doit être surveillée et adaptée au méthaniseur
- Temps de travail légèrement alourdi (mélange des semences, double semis…)
- Charges en semences plus élevées
Les espèces à associer doivent être complémentaires. Par exemple, le pois et les vesces vont accentuer le risque de verse en cas d'association avec du seigle, tandis que la féverole aura un rôle de tuteur.
Nous préconisons de ne pas dépasser 3 espèces différentes dans le mélange.
Ressources
Arvalis // Gestion de l'eau - Sorgho : attention au stress hydrique entre gonflement et épiaison