L’introduction d’une troisième culture exportée à destination énergétique au sein d’une rotation de deux ans pose la question de l’impact sur la fertilité du sol, et plus particulièrement de la matière organique. Malgré l’exportation de la biomasse aérienne des CIVE, une grande quantité de carbone est restituée au sol via les chaumes et les racines. Le retour du digestat produit à partir des CIVE sur la parcelle contribue à entretenir le stock de matière organique du sol.
Chaumes et racines : un apport de matière organique
Au champ, toute la biomasse végétale produite et restituée au sol constitue un apport de matière organique (composée principalement de carbone et d’azote, mais pas que) bénéfique pour la vie du sol et son fonctionnement.
Pour une CIVE, l’objectif est de produire au minimum 5 tMS/ha alors qu’une CIPAN (répondant souvent à une contrainte réglementaire) n’excède en général pas les 2 tMS/ha (MARSAC, 2019).
De ce fait, en raison d’un cycle de végétation plus long qu’une CIPAN (souvent détruite en sortie hiver), les CIVE ont un système racinaire plus développé comparé aux CIPAN (+1 tMS/ha). Cette biomasse racinaire produite procure un double avantage : structuration des sols et apport de matière organique.
A cela s’ajoute la biomasse restituée au sol lors de la récolte de la CIVE (entre 1 à 2 tMS/ha). Il s’agit de la biomasse aérienne, les chaumes essentiellement, se situant sous la hauteur de coupe (15 cm si ensilage direct et moins de 10 cm si préfauchage). Cette biomasse restituée peut-être équivalente, certaines années, à la biomasse restituée par une CIPAN et est dépendante des espèces.
Stock de carbone organique du sol : simulation et évolution
L’introduction de CIVE dans les rotations semble avoir un impact nul voire positif sur le stock de carbone organique du sol d’après de nombreuses simulations réalisées à l’aide de l’outil SIMEOS-AMG par les Chambres d’agriculture, et les instituts techniques et de recherche.
Une simulation réalisée quantifie l’impact de l’introduction d’une CIVE d’hiver sur le stock de carbone organique sur les 30 premiers cm du sol sur une monoculture de maïs (CHAVASSIEUX, 2019). La CIVE introduit est une avoine recevant une fertilisation de 90 unités d’azote provenant du digestat.
À retenir :
- l’impact positif de la CIVE sur l’augmentation du stock de carbone au bout de 50 ans (+9% comparé au témoin maïs monoculture sans CIVE).
- l’apport d’un digestat sur la CIVE rend compte de l’intérêt d’un tel apport sur le stockage de carbone organique du sol sur 50 ans : +13% comparé au témoin maïs monoculture sans CIVE et +4% par rapport à une culture de CIVE ne recevant pas de digestat.
Cette augmentation potentielle peut varier selon le type de sol, notamment son stock de carbone initial et selon le système de culture initial sans CIVE. La CIVE peut permettre dans certaines situations de ralentir la diminution du stock de carbone.
Digestat : un PRO à exploiter
Le retour au sol des digestats par épandage constitue un intérêt non négligeable (comme toute matière riche en matières organiques) pour entretenir la fertilité des sols :
- Stabilité de la structure : l'apport de matière organique engendre une activité microbienne importante, qui libère dans le sol des matières organiques dites "transitoires" qui, en enrobant les micro-agrégats argilo-humiques, augmentent la résistance de ceux-ci à la dégradation.
- Résistance à la compaction : l'apport de matière organique améliore la résistance du sol à la déformation, réduit la dégradation de la structure et joue un rôle majeur dans la résistance à la compaction.
- Porosité du sol : cette caractéristique est directement liée à la stabilité structurale et à la résistance à la compaction. Une bonne porosité des sols permet la bonne circulation des fluides (air, eau) nécessaire à la vie biologique.
- Capacité de rétention en eau : la quantité d'eau stockable dans un sol dépend de sa texture (c'est-à-dire sa composition minérale). Un ajout de matière organique à travers le digestat permet une meilleure rétention en eau dans les sols à texture grossière.
- Capacité d'échange cationique (CEC) : le CEC mesure le pouvoir de fixation du sol en cations échangeables (calcium, magnésium, potassium, ammonium, etc.). Il est directement lié à la richesse en argile et à la teneur en matière organique.
Le processus de méthanisation (en anaérobie) est un procédé conservant les éléments n’entrant pas dans la composition du biogaz : les éléments fertilisants et les oligo-éléments sont conservés et se retrouvent dans le digestat. Le digestat est caractérisé par deux composantes :
- Une valeur fertilisante par la présence d’azote, phosphore, potassium et oligoéléments, essentiels au développement des plantes.
- Une valeur amendante liée à la fraction de MO stable contenue dans le digestat et permettant d’entretenir la matière organique, la stabilité structurale et le pH du sol.
Les essais et simulations de l’impact des CIVE sur l’évolution du carbone organique restent à ce jour non exhaustifs en matière de représentativité de système de culture, mais l’ensemble de la bibliographie s’accorde à dire que les CIVE, en comparaison à une situation sans couverture de sol pendant l’interculture, augmentent le taux de carbone organique du sol.
Il faut néanmoins rester vigilant sur le fait qu’une importante quantité de biomasse produite et un non-retour des digestats entraîneraient une exportation nette d’éléments minéraux. Dans cette situation, un besoin de compensation de ces exportations par de la fertilisation semble nécessaire pour ne pas compromettre les futures récoltes.