Les CIVE sont utilisées en méthanisation comme un intrant sécurisant l’approvisionnement du digesteur. En région d’élevage, elles permettent de tamponner la saisonnalité de la production d’effluents. En région céréalière, les CIVE peuvent représenter jusqu’à 30% de la ration entrante dans le méthaniseur. Le développement des surfaces de CIVE, plus ou moins rapidement et largement, dans tous les territoires avec méthanisation n’est pas sans conséquence sur la concurrence d’usage des terres, le foncier agricole ou encore l’élevage local.
Derniers chiffres sur l’utilisation des CIVE dans les méthaniseurs (France et régions)
Contrairement aux cultures principales (type maïs ensilage), l’utilisation des Cultures Intermédiaires à Vocation Energétique (CIVE) n’est pas limitée par la réglementation en termes de tonnage entrant dans le méthaniseur. Il est ainsi possible de faire tourner une méthanisation 100% végétale, tant que l’on ne dépasse pas les 15% de tonnage brut de culture principale.
En moyenne, l’utilisation des CIVE en méthanisation en France est estimée entre 13% à 30% de la ration entrante (rapport France Agri Mer et rapport Négawatt et SOLAGRO), avec de fortes disparités régionales, principalement dues aux spécificités des territoires (terres d’élevage, d’industrie, de cultures…). Ces chiffres sont validés par les enquêtes AAMF (Association des Agriculteurs Méthaniseurs de France) de 2021 et le rapport PRODIGE 2, qui distingue les unités en co-génération (moyenne de 7% de CIVE dans la ration) et les unités en injection (moyenne de 28%).
Les bilans annuels de fonctionnement des unités de méthanisation de 2020, réalisés par les DREAL locales dans 7 des 13 régions métropolitaines, nous permettent d’avoir les résultats suivants :
Impact des CIVE dans les territoires français
1 - Les CIVE et la concurrence alimentaire
La méthanisation induit des changements dans les systèmes de production agricoles :
- Modification des rotations culturales, de la conduite des cultures et de l’affectation de la biomasse
- Fertilisation avec les digestats à la place ou en complément des effluents et engrais minéraux
Les CIVE d’été et d’hiver peuvent avoir des impacts sur la production alimentaire à deux niveaux :
- Différents impacts sur les sols en comparaison d’un sol nu et des CIPAN.
- Concurrence avec les cultures alimentaires par leur impact sur le rendement des cultures principales de la rotation (notamment la culture suivante)
Une attention particulière doit être portée à l’équilibre sur l’exploitation, entre les besoins fourragers du troupeau comblés par les cultures principales et les dérobées, et la production de biomasse prévue pour le méthaniseur. Les espèces sélectionnées, les itinéraires techniques, l’utilisation d’eau, les dates de récolte… sont autant de leviers dont dispose l’exploitant pour piloter au mieux la gestion de ses CIVE et limiter leur impact.
Les exemples de changements pouvant être induits dans le système de culture :
- CIVE d’hiver : augmentation surface de maïs et tournesol au détriment du blé et du colza
- CIVE d’été : augmentation surface d’orge d’hiver et pois d’hiver au détriment du blé et du colza
2 - Les CIVE et la pression foncière
Le programme de recherche Méthalae a permis de suivre l’évolution (entre une année de référence avant installation de la méthanisation (de 2005 à 2013), et 2015-2016) des systèmes de production de 46 exploitations agricoles impliqués dans des projets de méthanisation.
Il en ressort que la SAU (Surface Agricole Utile) de 29 des fermes observées a augmenté de + 5% (entre +24 et +61ha), 11 fermes ont diminué leur SAU, 5 n’ont pas évolué. Sur cette même période de suivi, la taille moyenne des exploitations en France a augmenté de 12%. L’implantation de l’unité de méthanisation aurait donc plutôt eu tendance sur cette étude à stabiliser la taille des fermes.
Les surfaces en couverts ont par contre augmenté significativement sur une partie de ces exploitations : passage de 137 ha à 358 ha sur 11 exploitations.
Des synergies sont également à rechercher sur le territoire : des échanges CIVE-digestat avec des exploitations voisines, un travail commun avec les outils de la CUMA… sont autant de relations à privilégier pour favoriser une intégration locale.
3 - Les CIVE et l’élevage
La problématique de la concurrence méthanisation/élevage concernant la production de CIVE se pose surtout sur les éventuelles tensions liées au fourrage. En effet, de par leur positionnement dans la rotation, les CIVE s’implantent souvent au même moment que des dérobées fourragères (type RGI ensilé).
Le but n’étant pas de remplacer ces fourrages, mais bien de les implanter :
- Soit sur des sols nus en hiver (cas des régions hors directive nitrates, non obligées à la couverture des sols en hiver),
- Soit à la place de CIPAN (Cultures Intermédiaires Pièges à Nitrates), qui ne sont pas récoltées.
- Soit sur des sols nus en été (cas d’interculture courte, entre 2 céréales par exemple)
L’implantation d’un méthaniseur et l’utilisation de CIVE peut cristalliser des tensions sur un secteur localisé, bien que la tension sur les fourrages ait été préexistante.
A contrario, des synergies avec l’élevage peuvent également être observées, notamment grâce à la diversification des activités, au séchage du fourrage et à l’autonomie protéique…
Exemple de création de synergie des CIVE :
ÇA VAUT LE COUP D'ŒIL //
La méthanisation au GAEC des Charmes : un exemple de synergie avec le territoire
Le transport des CIVE
Les chantiers d’ensilage et de stockage des CIVE sur le site de méthanisation génèrent un trafic supplémentaire. Toute augmentation est à mesurer par rapport à une situation initiale, et dépend donc de la typologie de l’unité de méthanisation, de l’emplacement du site…
Si l’unité est localisée sur une exploitation existante, les ensilages de CIVE s’ajouteront aux chantiers d’ensilage de fourrage (dérobés et culture principale) et emprunteront les mêmes tracés. Sur un nouveau site, le passage d’engins se fera sur des routes qui peut-être n’étaient préalablement pas empruntées par des tracteurs. Une attention particulière devra alors être portée à la capacité de ces routes à supporter la charge, et à l’entretien de celles-ci.
Les chantiers d’ensilage et de stockage de CIVE, bien qu’engendrant un trafic supplémentaire sont cependant très limités dans le temps (15 jours au printemps pour les CIVE d’hiver, 15 jours à l’automne pour les CIVE d’été).
Concernant l’impact sur les gaz à effet de serre (GES) et la distance de récolte des CIVE, le rapport d’analyse de cycle de vie du biométhane publié par SOLAGRO en 2021 précise que la distance de 10 km prise en hypothèse impacte peu les résultats positifs de l’étude sur l’indicateur de changement climatique du scénario avec méthanisation. C’est-à-dire que la distance de récolte des CIVE (et d’épandage du digestat dans l’étude) pourrait être augmentée sans que cela n’affecte fortement le bilan de réduction des GES apporté par un système avec méthanisation.
Références
Téléchargez le rapport FranceAgriMer : Ressources en biomasse et méthanisation agricole : quelles disponibilités pour quels besoins ?
Le rapport NEGAWATT et SOLAGRO : La méthanisation dans le mix énergétique : enjeux, impacts et propositions.