Les CIVE ont besoin d’azote en quantité suffisante pour assurer leur croissance. Une fertilisation azotée modérée, sous forme de digestat souvent, est la plus efficace et pertinente. Des dates et modalités d’apport adaptées sont cruciales pour une bonne valorisation de l’azote, en limitant les pertes. Les exportations en phosphore et potasse sont à intégrer dans le raisonnement de la fertilisation sur la rotation.
Quels sont les besoins des CIVE en fertilisation ?
1 - Une fertilisation azotée souvent gagnante
La fertilisation azotée des CIVE permet un gain de biomasse significatif avec un apport modéré de 30 à 80 unités d’azote efficace, selon les types de CIVE et les situations. Toutefois l’efficacité et la bonne valorisation de l’azote du sol (fertilisation et minéralisation) sont conditionnées par :
- une bonne implantation,
- une maîtrise du salissement,
- une disponibilité en eau suffisante.
La fertilisation des CIVE d’été n’est donc pas toujours gage de rendement biomasse supplémentaire.
2 - Une dose d’azote adaptée à la parcelle
Pour rentabiliser la fertilisation azotée et limiter les risques de lessivage, il faut :
- Adapter l’apport à la culture, au rendement réalisable (tenir compte des dates de semis et de récolte envisagées, du risque de manque d’eau…), et aux fournitures en azote du sol (selon le sol, la disponibilité en eau, le reliquat laissé par la culture précédente),
- Respecter le contexte réglementaire en se référant aux grilles régionales de calcul de fertilisation par culture, en veillant au respect des plafonds réglementaires en zones vulnérables.
- Prendre en compte le coût du fertilisant au regard du gain attendu.
- Prendre en compte les espèces semées : pour favoriser le développement de légumineuses il faut diminuer la fertilisation azotée
Une parcelle ayant reçu un apport de matière organique à l’automne peut ne pas avoir besoin d’apports au printemps. Les parcelles recevant régulièrement de la matière organique (digestat, fumiers…) ont des fournitures en azote par le sol plus importantes et auront donc des besoins moins importants.
A l’inverse, des parcelles ayant des fournitures d’azote par le sol très faibles pourront avoir besoin d’apport de l’ordre de 100 unités.
3 - Ne pas négliger le phosphore et la potasse
Les exportations de la CIVE doivent être intégrées dans le raisonnement de la fertilisation PK sur la rotation. Elles peuvent en effet être importantes, en particulier en potasse, du fait de la récolte de la plante entière. Des analyses de sol régulières sont utiles pour suivre l’évolution des teneurs en P et K dans le sol.
Exemples d’exportations en phosphore et potasse*
* ordres de grandeur, teneurs des plantes en PK susceptibles de varier selon les situations.
CIVE | Biomasse récoltée | Exportations en phosphore kg P2O5 / ha | Exportations en potasse kg K2O / ha |
Seigle fourrager | 8 t MS/ha | 38 | 174 |
Sorgho fourrager | 6 t MS/ha | 37 | 130 |
Maïs ensilage | 7 t MS/ha | 32 | 97 |
Quels fertilisants utiliser sur les CIVE ?
Tout type de fertilisant azoté peut être utilisé, en adaptant les conditions d’apport. Les digestats sont toutefois une ressource souvent disponible, une opportunité à valoriser pour les CIVE, source d’azote et de matière organique stable (lien vers la page “Fertilité du sol”).
1 - Valeur fertilisante des digestats
La composition des digestats (teneurs en NPK notamment) varie fortement selon les intrants du méthaniseur, les procédés de méthanisation et de séparation de phase éventuelle : analyser les digestats est indispensable pour bien adapter la fertilisation.
Si vous ne disposez pas d’analyses de digestat, vous pouvez calculer la composition et la valeur agronomique d’un digestat en renseignant la ration des intrants du méthaniseur. Le projet Concept-Dig a développé un outil gratuit en ligne pour cela.
Par ailleurs, le projet Ferti-Dig (en cours) vise à concevoir un guide de bonnes pratiques d’utilisation des digestats de méthanisation pour maximiser leurs intérêts agronomiques et limiter les impacts sur les fertilités chimique, physique et biologique des sols.
Pour les méthaniseurs avec beaucoup de CIVE, la teneur en azote du digestat peut être augmentée en cas de forte proportion de légumineuses. En effet leur teneur en azote est d’environ 3 % de la MS, contre 1 à 1,5 % pour les céréales.
L’efficacité de l’azote des digestats pour les CIVE varie selon :
- les caractéristiques du digestat, en particulier la part d’azote minéral (ammoniacal) : cette dernière est plus rapidement utilisable que l’azote organique car rapidement transformée en nitrates, mais de ce fait également plus lessivable en cas d’apport éloigné des périodes de forte absorption par la culture ; elle est sensible à la volatilisation.
- la période d’apport et la capacité de la culture à valoriser l’azote à ce moment-là.
- les conditions et modalités d’apport : enfouissement rapide ou non, vent, température, pluie après l’apport… qui influent sur la volatilisation.
Cela se traduit par des « coefficients d’équivalence engrais » (keq N) différents. Ces coefficients, appliqués aux apports totaux d’azote du digestat, donnent la quantité d’azote d’efficacité équivalente à un engrais azoté type ammonitrate.
Exemple : J’apporte 20 m3/ha de digestat dosant 4.5 kg d’azote par m3, soit 100 kg d’azote/ha au total. Si le coefficient d’équivalence engrais pour cette période et cette CIVE est de 0.5, l’efficacité pour ma CIVE sera équivalente à 100 x 0.5 = 50 unités d’azote apportées sous forme d’ammonitrate.
Ces coefficients sont indicatifs, ils peuvent fluctuer selon les conditions d’épandage.
Les coefficients retenus dans les arrêtés en zones vulnérables peuvent différer selon les régions : se référer aux arrêtés en vigueur dans chaque région.
Voici des exemples de fertilisation avec un digestat brut « moyen », pour un apport de 20 m3/ha, avec les teneurs en NPK suivantes : 4.5 kg N/m3 – 2 kg P2O5 /m3 – 5 kg K2O /m3
CIVE | Période d’apport | Azote Apport total kg N/ha | Coeff équivalence engrais N* keq | Azote Unités « efficaces » kg N/ha | Phosphore Apport total kg P2O5/ha | Potasse Apport total kg K2O /ha | Notes |
CIVE hiver : seigle… | Février - mars | 90 | 0.5 | 45 | 40 | 100 | - |
CIVE hiver : seigle… | Septembre | 90 | 0.2 | 18 | 40 | 100 | non préconisé : faible efficacité de l’azote, risque de pertes par lessivage |
CIVE été : maïs, sorgho… | Juin à l’implantation | 90 | 0.6 | 54 | 40 | 100 | - |
2 - Production de CIVE sans digestat
Parfois les CIVE ne reçoivent pas de digestat, notamment pour des apporteurs de CIVE « extérieurs » au méthaniseur. Dans ce cas la fertilisation peut être apportée sous forme minérale, en respectant de même les doses d’azote efficace et conditions d’apport recommandées et réglementaires (lien vers page “R5P3 - Respecter la Directive Nitrates pour fertiliser ma CIVE”)
Le coût des engrais, incluant la compensation des exportations PK, sera intégré au coût de production de la CIVE.
En cas de retour fréquent des CIVE sur une même parcelle sans apport organique, un suivi de la matière organique est conseillé.
Quand et comment fertiliser les CIVE ?
1 - Points de vigilance
Les dates, doses et conditions d’apport de fertilisants, adaptées à chaque situation, doivent permettre :
- une valorisation optimale des fertilisants par la CIVE pour être rentabilisés, tout en évitant les effets indésirables de doses excessives (verse du seigle par exemple)
- une limitation des risques de lessivage de l’azote
- une limitation de la volatilisation de l’azote (enfouissement immédiat des digestats lorsque c’est possible et surtout lors des périodes chaudes (digestats pour CIVE d’été en particulier), utilisation de pendillards, apports juste avant une pluie)
- une limitation du ruissellement et le tassement des sols (sols portants, équipement adapté).
2 - Fertiliser au meilleur moment :
CIVE d’hiver : apporter les engrais minéraux ou digestats bruts et liquides en sortie d’hiver – début de printemps. Le digestat solide peut être apporté à l’implantation si la réglementation locale en vigueur l’autorise.
CIVE d’été : fertiliser juste avant l’implantation, avec enfouissement très rapide, ou sur culture levée si la réglementation et le matériel le permettent : cela permet de ne fertiliser qu’en cas de bonne levée de la CIVE, mais attention alors aux pertes par volatilisation.
Veiller dans tous les cas au respect des conditions réglementaires d’épandage.
3 - Des conditions d’épandage réglementaires à respecter
Les réglementations portant sur l’épandage et la fertilisation s’appliquent aux CIVE comme aux autres cultures :
- Réglementation « directive nitrates » dans les zones vulnérables : périodes d’épandage de fertilisants, conditions spécifiques (ex : pas d’épandage sur sol gelé), équilibre de la fertilisation, enregistrement des pratiques
- Réglementation ICPE (Installations Classées pour la Protection de l’Environnement) : l’utilisation de digestat doit respecter les règles s’appliquant à l’unité de méthanisation, selon le régime ICPE auquel elle est soumise (déclaration, enregistrement, autorisation), en particulier :
- fertilisation équilibrée,
- respect de distances d’épandage,
- parcelle où est cultivée la CIVE inscrite dans le plan d’épandage du méthaniseur, sauf si celui-ci respecte le cahier des charges permettant de mettre sur le marché le digestat en tant que matière fertilisante,
- enregistrement dans un cahier d’épandage
- épandage effectué par enfouissement direct, par pendillards ou par un dispositif équivalent permettant de limiter les émissions atmosphériques d'ammoniac.
- Restrictions ponctuelles éventuelles en périodes de pics de pollution atmosphérique (arrêtés préfectoraux par bassins d’air)
Effet de la fertilisation sur le méthaniseur
La fertilisation n’a pas d’effet direct sur le méthaniseur. C’est d’abord la ration qui va impacter le fonctionnement de celui-ci. La fertilisation joue sur la production de biomasse de CIVE disponible donc intégrable à la ration. Elle peut impacter un peu les teneurs en éléments fertilisants des CIVE, donc indirectement les quantités de fertilisants entrantes et retrouvées dans les digestats à la sortie, mais cela reste un effet marginal.