La double culture énergétique : comment définir qui est la CIVE et la culture principale ?
Les unités de méthanisation peuvent être approvisionnées par des cultures alimentaires ou énergétiques, cultivées à titre de culture principale, dans une proportion maximale de 15 % du tonnage brut total des intrants par année civile. D’où le besoin de savoir identifier la culture principale.
1 - Pour les installations en biométhane injectés :
- Mises en service après le 1er janvier 2017 : proportion applicable pour chaque lot de biométhane. Un lot est la quantité de biométhane injectée sur la période de relevés des données de comptage stipulées par le contrat d’injection.
- Mises en service avant le 1er janvier 2017 : proportion applicable au tonnage brut total des intrants utilisés sur les 3 dernières années.
Une dérogation à la limite de 15% peut être accordée dans le cas où ces cultures principales proviennent de zones reconnues contaminées et définies par arrêté préfectoral.
2 - Comment savoir quelle est la CIVE et quelle est la culture principale ?
Dans le cas de la réalisation d’une double culture valorisée en méthanisation, par exemple un seigle récolté immature suivi d’un sorgho ensilage, on peut se demander comment distinguer la CIVE de la culture principale. Dans ces cas, une des deux cultures est considérée comme une culture principale. Comme les définitions de culture principale sont cumulatives, la culture principale sera déterminée par la 4ème condition du décret « culture » du 4 août 2022 : “Culture présente sur la parcelle au 1er juin, ou, le cas échéant, à une autre date comprise entre le 1er juin et le 15 juin, définie par le représentant de l’Etat dans le département, au regard des spécificités climatiques et des pratiques culturales.”
Lorsque la période de rupture entre les deux cultures est réalisée avant le 1er juin, ce sera la deuxième culture qui sera principale.
À l’inverse, après le 1er juin, ce sera la première culture qui sera la principale.
Il est nécessaire d’être vigilant notamment dans le cadre d’une déclaration d’une des deux cultures à la PAC, car en fonction de la période de récolte de la première culture et de semis de la suivante, les deux cultures peuvent être considérées comme principales. Dans ce cas les deux cultures entreront dans la limite d’approvisionnement des 15% de cultures principales.
Il sera donc plus avantageux dans le cadre de la réalisation d’une double culture de choisir un scénario où une des deux cultures est considérée comme une CIVE. Le choix de la stratégie de récolte et de déclaration PAC est à connaître en amont.
Toutefois les deux réglementations ne requièrent pas les mêmes informations :
- Au sens de la PAC, l’agriculteur déclare les surfaces des cultures principales pour l’année en cours à la DDT(M).
- Au sens du décret cultures, l’unité de méthanisation déclare le tonnage de culture principale incorporée sur l’année passée au moment de la déclaration auprès de la DREAL.
Bien que les déclarations soient instruites par des services différents, une vigilance est à avoir au moment de la réception des ensilages dans un objectif de traçabilité des matières.
Quelle est la traçabilité exigée lorsque l’on produit des CIVE pour une unité de méthanisation ?
Réglementation des Installations Classées pour la Protection de l’Environnement (ICPE) de l’installation de méthanisation.
Cette réglementation soumet chaque installation à un régime selon le tonnage et la nature des intrants incorporés quotidiennement :
► Rubrique 2781-1. Méthanisation de matière végétale brute, effluents d’élevage, matières stercoraires, lactosérum et déchets végétaux d’industries agroalimentaires
- <30 t/j → Régime de la déclaration contrôlée (DC) → Arrêté du 10/11/09 modifié par l’arrêté du 17 juin 2021
- de 30 à <100 t/j → Régime de l’enregistrement (E) → Arrêté du 12/08/10 modifié par l’arrêté du 17 juin 2021
- à partir de 100 t/j → Régime de l’autorisation (A) → Arrêté du 10/11/09 modifié par l’arrêté du 14 juin 2021
► Rubrique 2781-2. Méthanisation d’autres déchets non dangereux
- de 30 à <100 t/j → Régime de l’enregistrement (E) → Arrêté du 12/08/10 modifié par l’arrêté du 17 juin 2021
- à partir de 100 t/j → Régime de l’autorisation (A) → Arrêté du 10/11/09 modifié par l’arrêté du 14 juin 2021
Cette réglementation prévoit une traçabilité sur les intrants. Les CIVE ne dérogent pas à cette règle et doivent être enregistrées à chaque entrée sur le site.
Les informations consignées sur un bordereau d’entrée et reportées dans le registre des entrées de l’unité de méthanisation doivent comprendre :
- la nature du produit = Ensilage de cultures intermédiaires ;
- la date de réception ;
- le tonnage ;
- le nom et l’adresse de l’expéditeur initial = Coordonnées de l’exploitation productrice de la CIVE ;
- le cas échéant, de la date et du motif de refus de prise en charge, complétés de la mention de destination prévue des déchets et matières refusés.
L’unité de méthanisation est en mesure de justifier de la masse des matières reçues lors de chaque réception, sur la base d’une pesée effectuée lors de la réception ou des informations et estimations communiquées par le producteur de ces matières ou d’une évaluation effectuée selon une méthode spécifiée.
Le registre d’entrée est conservé pendant 3 ans minimum pour les sites au régime de Déclaration et d’Enregistrement et 10 ans minimum pour les sites en Autorisation. Celui-ci est tenu à disposition des services chargés du contrôle des installations classées.
Une synthèse des registres des entrées et sorties doit être réalisée chaque année, récapitulant l’ensemble des tonnages traités et non traités, ainsi que les digestats produits sur l’année.
Réglementation RED 2 (Renewable Energy Directive) pour la certification de l’installation
L’objet de la certification est de vérifier que :
- l’alimentation du méthaniseur est réalisée avec de la biomasse dite durable (= non issue de parcelles avec intérêts écologiques, retournement de prairie depuis 2008, zone Natura 2000, etc.) ;
- la limite des 15% de cultures principales incorporées n’est pas dépassée ;
- les seuils de réductions d’émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) sont respectés.
Le but est de pouvoir tracer l’ensemble des matières du contrat d’approvisionnement vers le lot de méthane produit et ainsi quantifier le bilan GES.
Cette réglementation est primordiale dans le cadre de la production de CIVE pour une unité de méthanisation. La durabilité de la production de la CIVE sera évaluée selon la localisation des parcelles et leur sensibilité écologique, sur la conduite culturale de celle-ci et l’usage d’intrants phytopharmaceutiques, ainsi que sur le transport de la production. Cette réglementation concerne les installations ayant une production annuelle effective supérieure à 19,5 GWh/an de biométhane ou un contrat d’achat avec une Cmax supérieure à 200 Nm3/h en injection, ainsi que les installations ayant une puissance supérieure à 2 MW thermique en cogénération.
Le volet traçabilité concerne l’ensemble des unités de méthanisation. Le volet GES concerne les installations mises en service après le 1er janvier 2021.
À terme, cette réglementation sera étendue à l’ensemble des installations de méthanisation.